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Les paroles de la chanson
« L'adolescence »
Henri Tachan

C’est un coin d’herbes folles, de bleuets, de chiendent,
Blotti entre la jungle infernale des grands
Et le petit jardin tranquille de l’Enfance,
C’est une île inconnue de vos cartes adultes,
Un lagon épargné, une prairie inculte,
Une lande battue où les korrigans dansent,
L’Adolescence...

C’est l’échelle de soie, c’est Juliette entrevue,
Debout dans le miroir c’est la cousine nue
Qui s’émerveille et crie au fond de mon silence,
C’est un baiser volé à la barbe du Temps,
C’est deux enfants qui s’aiment à l’ombre d’un cadran
Où sous chaque seconde l’Immortalité danse,
L’Adolescence...

C’est "Toujours", c’est "Jamais", c’est éternellement
Le cœur au bord des lèvres, le spleen à fleur de dents
Et au ventre-volcan l’Amour-incandescence,
C’est "Je t’aime : on se tient!" c’est "Je t’aime : on se tue!"
C’est la Vallée d’la Mort de l’autr’ côté d’la rue,
Vers les noirs pâturages la haute transhumance,
L’Adolescence...

C’est les poings dans les poches fermés à double tour,
C’est "Familles, je vous hais!", c’est René à Combourg,
Ophélie qui se noie, c’est Lucile qui s’avance,
C’est notre Diable au corps, c’est le Grand Meaulne en route,
C’est ce vieux Bateau Ivre qui reviendra sans doute
Les flancs chargés d’oiseaux, de fleurs et d’innocence,
L’Adolescence...

Depuis plus de vingt ans que j’y ai jeté l’ancre
Dans ce pays de fous, de chiens tièdes et de cancres,
Depuis plus de vingt ans j’y passe mes vacances,
Et comme ce vieillard de quatre-vingts printemps
Qui s’endort, un beau soir, et qu’on couche dedans
Son petit, tout petit coin de terre de Provence,
Couchez-moi, je vous prie, quand viendra le moment,
Dans ma terre, mon pays, couchez-moi doucement
En Adolescence, en Adolescence!