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Les paroles de la chanson
« Sans avoir l'air d'y toucher »
Maurice Chevalier

Bien des hommes mal éduqués
Lorsqu’ils vont dans l’ grand monde
Se font tellement remarquer
Qu’on en est offusqué
On voit des jeunes gens presser
D’une manière immonde
La jeune fille qu’ils font danser
C’est vraiment déplacé

Mais moi, sans avoir l’air d’y toucher
J’ tiens comme une reine
Celle que j’entraîne
Je prends un petit air détaché
Et j’ose à peine sur elle me pencher
Elle est ravie d’ mes façons chevalières
Et d’elle-même vient se rapprocher
Alors, sans avoir l’air d’y toucher
J’ lui prends l’ derrière
Et j’ l’emmène coucher

Bien des gens avant d’acheter
Babas et tartelettes
Ont la manie d’ les tâter
Et de les tripoter
Ils les prennent en chipotant
Puis ils remettent dans l’assiette
Si tout l’ monde en faisait autant
Ce serait dégoûtant

Mais moi, sans avoir l’air d’y toucher
Comme c’est la crème
Surtout que j’aime
Quand j’ vois un p’tit chou qui m’ fait loucher
V’là mon système
Je n’ai pas à l’ cacher
M’ dissimulant derrière une cliente
Sur le chou je tâche de me pencher
Et puis sans avoir l’air d’y toucher
Je me contente de le lécher

Il est des boxeurs nerveux
Qui de suite s’affolent
Ils découvrent trop leur jeu
On les a comme on veut
Cherchant à vous knockouter
À la première torgnole
Sur vous ils viennent se jeter
Avec brutalité

Mais moi, sans avoir l’air d’y toucher
Je cherche à plaire
À l’adversaire
J’ lui dis "Faudrait pas trop s’amocher
Parce que nos mères
En seraient bien fâchées"
Me dandinant d’une façon légère
Peu à peu, je le laisse approcher
Et vlan, d’un direct, j’ lui fais cracher
Toutes ses molaires sur le plancher

Des joueurs peu scrupuleux
Quand ils font une belote
Regardent dans votre jeu
En se penchant un p’tit peu
La plupart, très maladroits
L’ font d’une façon idiote
Et s’ font traiter quelquefois
De gens de mauvaise foi

Mais moi, sans avoir l’air d’y toucher
Tout l’ temps, j’ me place
Face à une glace
De loin, je vois, sans jamais m’ pencher
Les cartes qui passent
Ça n’est pas tricher
Mon adversaire se lamente et discute
En m’ voyant toujours empocher
Je zieute sans avoir l’air d’y toucher
En cinq minutes, il est fauché

Dans le magasin d’un gros
Marchand de porcelaine
L’autre matin, subito
J’entre avec mon auto
J’ai cassé vingt pots à eau,
Des assiettes par douzaines
Plus d’un, devant tous ces morceaux
Serait resté comme un sot

Mais moi, sans avoir l’air d’y toucher
J’ fais, très Régence
Une révérence
J’ salue l’ vendeur, qui s’est caché
Vers lui, j’ m’avance
D’un air détaché
En enjambant tous les débris d’ théières
Ci et là, j’ai l’air de chercher
Et j’ dis, sans avoir l’air d’y toucher
"J’ veux une soupière
Très bon marché"