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Les paroles de la chanson
« Enfance »
Polo

Ils se sont rencontrés au fond d’un trou perdu
Un bled dont le nom m’échappe, à la cambrousse
Ils étaient pions, c’est à peu près tout ce que j’eus
Comme histoire. On dirait que les détails s’émoussent

Je les vois en photo, pauvres doux enfants-chiens
Mariés dans l’année, du ruisseau à la ville
Que pouvaient-ils faire et se dire? Je n’en sais rien
A part quelques souvenirs officiels, débiles

Je pleurais. On le voit encore sur les photos
Toujours ronchon, toujours chagrin, la chambre close
Je me souviens d’un loup apparu pour de faux
J’ai peur de l’eau, j’ai les dents noires, je hais les choses

Je me rappelle un peu un vague régiment
Restes de trains que l’on ne prenait pas. La gare
Est loin, la main se donne et l’œil se prend
À se promener seul. Je me tiens à la barre
De la cour, l’escalier, le soleil presque blanc
Lui est parti pour vendre des bagnoles, on jette
Les œufs à Pâques et dans le pré des grands-parents
On colorie, on s’ennuie, on espère, on guette

La vie est comme un lac profond, au trouble fond
Des monstres quelquefois vous guettent sur la rive
Ils reniflent le sang et d’un seul coup vous font
Partager la douleur et la mort. On esquive
Comme on peut. Elle et lui ne s’en occupent pas
Plus que ça. On m’emmène, on m’enferme à l’école
La sueur, la cantine et les tristes crachats
Le ciel vide étoilé, au fond de la rigole

Y avez-vous échappé? Ne mentez pas. C’est vous
Qui pleuriez près de moi en ces jours de septembre
Les paumes écorchées, du sang sur les genoux
Comme les christs en bois sur les murs de vos chambres
Chez nous, on ne cherchait pas d’autres horizons
Et je ne connaissais ni Dieu ni politique
Aucun engagement, aucune conviction
De rien. Pas d’échappées à ce train électrique
Qui tourne sur lui-même. On m’achète Mickey
Ces gens à quatre doigts me semblent tous complices
C’est le temps de Giscard et du choc pétrolier
On m’offre des BD dans les stations-services

Le grand libéralisme et ses circuits fermés
Vous faisait cuire au jus de votre résidence
Vous faisait miroiter des moteurs assoiffés
D’essence. Vous cherchiez déjà la délivrance
Toi dans la correction des copies, lui ailleurs
Vous voici divorcés, déjà papa s’envole
On me le montre comme une ordure et mon cœur
Se déchire à nouveau. Renaître, quel symbole

On a juste eu le temps de se décerveler
On a juste eu le temps d’apprendre un peu à lire
L’heure. Il faut de ce pas se mettre à réciter
Le temps qui passe et les mensonges qui transpirent