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Les paroles de la chanson
« La plage »
Francis Lalanne

Huit heures cinq, je suis sur la plage
Le soleil dort encore dans son sac de couchage
J’suis seul avec le bruit des vagues
Avec le bruit du vent qui rêve et qui divague

Huit heures vingt-cinq, comme d’habitude
La nénette au teckel étend sa solitude
Devant l’Optimist amarré
À l’endroit où le sable est mouillé de marée

Huit heures trente, c’est l’heure du footing matinal
Du barbu qu’est gardien du camping
Il est suivi par deux mésanges en slip rose
Elles passent pas d’habitude, les temps changent

Et bien qu’j’sois tout près comme chaque jour
La nénette au teckel me dit même pas bonjour
Elle ouvre son roman policier quotidien
J’ai rien à foutre, est-ce qu’elle est mariée?

Huit heures quarante, à moitié mort
C’est l’champion du windsurf qui s’dirige vers le bord
Avant qu’son machin soit hissé
On a l’temps d’voir venir, il sera neuf heures passées

Et sur le sable juste à côté
D’la nénette au teckel, y a un cœur dessiné
R.F, ça fait Renée François
Pas République Française, fin d’boum, ça va de soi

Neuf heures moins le quart, si j’m’écoutais
J’piquerais bien une petite tête pour m’refaire une santé
Mais j’attends qu’ils mettent les drapeaux
Des fois qu’on n’ait pas l’droit, j’veux pas risquer ma peau

Décidément elle me plaît bien
La nénette au teckel, si y avait pas son chien
Y a une guêpe qui lui tourne autour
Saloperie de bestiole, sûr qu’ça va être mon tour

Neuf heures moins cinq, tennis en main
Le vieux play-boy sur le retour fait son p’tit bout de chemin
Les lunettes à la Paul Newman
Pantalon de survêt’ et tee-shirt Superman

Et bien qu’il ralentisse le pas
La nénette au teckel ne le regarde même pas
Avec son caniche troisième âge
L’air de rien, il s’en fout, il cueille des coquillages

Neuf heures, l’mec au wind fait trempette
Tiens, y a l’institutrice qui passe en bicyclette
J’l’avais jamais vue en maillot
Pas mal la p’tite instit’, si y avait pas son vélo

Voile dans l’air, voile dans l’eau devant
La nénette au teckel, Mister wind cherche le vent
Mais d’ici qu’il se soit lancé
On a l’temps d’voir venir, il sera dix heures passées

Neuf heures dix, guitare sur le dos
V’là les zouaves d’aujourd’hui dans leur blue-jeans crado
Neuf heures vingt, dans leur camionnette
C’est les flippés du self qui poursuivent une minette

Et planqué derrière le bateau
D’la nénette au teckel, un mec prend des photos
Quelle merde ces plages, c’est plein d’beatniks
Sans parler des capotes et des sacs en plastique

Bientôt dix heures et sur la plage
Le soleil est sorti de son sac de nuages
Les gens sortent avec le soleil
Et, poussés par le vent, les voiliers font pareil

Petit à p’tit, en rangs d’oignons
Les parasols en fleurs poussent comme des champignons
Et puis les drapeaux verts qui flottent
Et les crânes qui se frottent et qui flottent sur la flotte

Le type au wind a décollé,
Attention les baigneurs, dérapage contrôlé
Parée pour l’équipée sauvage,
La colo s’fout à l’eau en gilet de sauvetage

Et les gosses qui empilent des pneus
Les fils de cerf-volant qui s’cassent et s’font des nœuds
Et puis la nénette au teckel
Qu’arrête pas d’bouquiner, qu’en finit pas d’être belle

Et puis les bronzés de service
Qui font bisquer les blancs et les rouge écrevisse
Et puis la valse des torchons
La valse des nichons et celle des vieux cochons

Bientôt onze heures et sur le sable
Y a plus d’place pour rêver sur les matelas gonflables
Bientôt onze heures, il se fait tard
La nénette au polar s’barre avec son clébard

Onze heures moins cinq, comme chaque matin
Un marchand de chouchous balade son baratin
Onze heures, fini pour aujourd’hui
Plus d’nénette au teckel, y a trop d’monde, je m’ennuie