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Les paroles de la chanson
« Les vitrines »
Léo Ferré

Des Cadillac et des ombrelles
De l’Albuplast et des bretelles
De faux dollars, de vrais bijoux
Y en a vraiment pour tous les goûts!
Ha ha ha!

Des oraisons pour dentifrice
Des chiens nourris qui parlent anglais
Et les putains à l’exercice
Avec leurs yeux qui font des frais

Des faux tableaux qui font la gueule
Et puis des vrais qui leur en veulent
Des accordéons déployés
Qui soufflent un peu avant d’ gueuler

Des filles en fleur, des fleurs nouvelles
Des illustrés à bonnes d’enfants
Et des enfants qui font les belles
Devant des mecs bourrés d’argent

Les vitrines de l’avenue
Font un vacarme dans les cœurs
À faire se lever le bonheur
Des fois qu’il pousserait dans les rues!

Les faux poètes qu’on affiche
Et qui se meurent à l’hémistiche
Les vedettes à faits-divers
"Paroles" de Jacques Prévert

Les prix Goncourt que l’on égorge
Les gorges chaudes pour la voix
Les coupe-fils et les soutien-gorges
Avec la notice d’emploi

Les chansons mortes dans la cire
Et des pick-up pour les traduire
Microsillon baye aux corneilles
C’est tout Mozart dans une bouteille

Le sang qui coule plein à la une
Et qui se caille aux mots croisés
"France-Soir, le Monde et la Fortune!"
Devant des mecs qu’ont pas bouffé

Les vitrines de l’avenue
Font un vacarme aux alentours
À faire se lever l’amour
Des fois qu’on l’ vendrait au surplus!

Des pères Noël grandeur nature
Qui n’ descendent plus qu’ pour les parents
Pendant qu’ les gosses jouent les doublures
En attendant d’avoir vingt ans

Toupies qui tournent au quart de tour
Bonbons fondants, bonheurs du jour
Et ces mômes qu’en ont plein les bras
À lécher la vitrine comme ça

Des soldats de plomb qui font du zèle
Des poupées qui font la vaisselle
De drôles d’oiseaux en équilibre
Pour amuser les tout-petits

À l’intérieur, la vente est libre
Pour ceux qui s’ennuient dans la vie
Des merveilles qu’on peut pas toucher
Devant des mecs qui peuvent entrer

Les vitrines de l’avenue
Font un vacarme dans les yeux
À rendre aveugles tous les gueux
Des fois qu’ils en auraient trop vu!

Jambon d’York, garanti Villette
Des alcools avec étiquette
Crème à raser les plus coriaces
Où l’on m’étend, le poil se lasse

La gaine qui fond sous les caresses
Le slip qui rit, le bas qu’encaisse
L’escarpin qui use le pavé
Les parfums qui sentent le péché

Des falbalas pour la comtesse
Des bandes en soie pour pas qu’ ça blesse
Du chinchilla, d’ la toile écrue
Il faut vêtir ceux qui sont nus

Des pull-overs si vrais qu’ils bêlent
Des vins si vieux qu’ils coulent gagas
Des décorations qu’étincellent
Devant des mecs qui n’en veulent pas

Les vitrines de l’avenue
C’est mes poches à moi quand je rêve
Et que j’y fouille à mains perdues
Des lambeaux de désirs qui lèvent