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Les paroles de la chanson
« Rimes féminines »
Juliette

Dans un corps vide entrer mon âme,
Tout à coup être une autre femme
Et que Juliette Noureddine
En l’une ou l’autre s’enracine.
Élire parmi les éminentes
Celle qui me ferait frissonnante,
Parmi toutes celles qui surent s’ébattre,
Qui surent aimer, qui surent se battre,
Mes sœurs innées, mes philippines,
Mes savantes et mes bécassines

Julie, Juliette ou bien Justine,
Toutes mes rimes féminines
Clara Zetkin, Anaïs Nin
Ou Garbo dans La Reine Christine

Sur le céleste carrousel,
Choisir entre ces demoiselles
Camille Claudel, Mam’zelle Chanel
Ou l’enragée Louise Michel

Vivre encore colombe ou rapace,
Écrire, chanter ou faire des passes
Margot Duras, Maria Callas
Ou bien Kiki de Montparnasse

Naître demain, renaître hier,
En marche avant, en marche arrière,
M’incarner dans ces divergences
Ces beautés, ces intelligences

Et jouir du bienheureux trépas
Pour dans leurs pas, mettre mes pas
Musidora, La Pavlova
Ou mon aïeule, la grande gueule Thérésa

Que j’en aie l’esprit ou l’aspect
Ou bien même les deux s’il vous plaît
Juliette Drouet, La Signoret
Ou la grande Billie Holiday

Tous voiles dehors ou en chantant,
Avec l’une d’elles me révoltant
Flora Tristan, Yvonne Printemps
Ou la farouche Isadora Duncan

Pour toute arme ayant leur fierté
Et pour amante la liberté
Les soeurs Brontë, Louise Labé
Ou Lou-Andréas Salomé

Même s’il faut en payer le prix,
Être la fleur être le fruit,
Être Alice Guy, être Arletty,
Marie Dubas, Marie Curie

Mais s’il vous plaît, point de naissance,
De jeunesse, ni d’adolescence,
Épargnez-moi la chambre rose,
Soyez bonne, ô métempsycose

Permettez à votre Juliette
De ne point mûrir en minette
Mais en Colette, en Mistinguett
Ou pourquoi pas Madame de Lafayette

Mettez-moi, je vous le demande
Instamment, dans la cour des grandes
Judy Garland, Barbra Streisand
Ou cette bonne dame de George Sand

Placez-moi du côté du cœur,
Côté talent, côté bonheur
Loïe Fuller, Dottie Parker
Ou sainte Joséphine Baker

Oui tout de suite les feux de la gloire,
Les feux de la rampe et de l’Histoire
La Yourcenar, Sarah Bernhardt
Ou la très sage Simone de Beauvoir

Une voix d’argent au fond d’un port,
Une plume d’acier ou un cœur d’or
La Solidor, Christiane Rochefort
Ou Marceline Desbordes-Valmore

Les belles sans peur et sans marmaille
Toutes nues au fort de la mitraille
Sylvia Bataille, Anna de Noailles
Camarade Alexandra Kollontaï

Et les agitatrices de bouges
Brandissant l’espoir et la gouge
Olympe de Gouges, Rosa-la-Rouge
Et la vieille Germaine de Montrouge

La lignée des dominatrices,
Ladies, mesdames, doñas ou misses
Comme Cariathys ou Leda Gys,
Angela et Bette Davis

Le train du diable et ses diablesses,
Les vénéneuses et les tigresses
Lola Montès, Gina Manès
Et l’empoisonneuse Borgia Lucrèce

Enfin j’ai, pour être sincère,
Du goût pour les belles harengères
Yvette Guilbert, Claire Bretécher,
J’irais même jusqu’à Anne Sinclair

Mais si tant de souhaits vous chagrinent,
S’il est contraire à la doctrine
De viser haut dans les karmas,
Alors faites dans l’anonymat.
En attendant que tout bascule,
Que Satan ne me congratule
Ou que les anges me fassent la fête,
Permettez une ultime requête

Faites-la renaître votre frangine
En n’importe qui, en fille d’usine,
En fille de rien ou de cuisine,
En Croate ou en Maghrébine,
En Éponine, en Clémentine,
En Malka Malika ou Marilyn
Et si votre astrale cuisine
Par hasard ne le détermine
J’accepterai par discipline
De revenir en cabotine,
En libertine, en gourgandine,
Tiens, en Juliette Noureddine!