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Les paroles de la chanson
« Une muse du tonnerre »
Gérard Morel

Y avait bourrasque dans ma plaine
Ça tempêtait le feu, les flammes
Et ça ventait à perdre haleine
Ça hallebardait à chaudes lames
Ça gravelottait comme une madeleine

Moi, pour conjurer la scoumoune
Le stylo gourd et les doigts raides
Je ruminais dans ma guitoune
Quelques gros mots et grands remèdes
Pour une nouvelle chanson de clown

Quand, tout à trac, un coup de foudre
Force ma porte et sans frapper
Une traînée qui sent la poudre
Avance, en nage, s’assied, trempée
Moi, je m’ sens prêt à en découdre

Elle implore l’hospitalité
Le temps de sécher ses angoisses
Je m’ dis "Y a pas à hésiter
Ce genre de belle plante grasse
On sait qu’ ça craint l’humidité"

Je m’émeus d’ sa mésaventure
Je prends pitié, je prends son pouls
Je prends toutes ses petites mesures
Je l’ausculte par tous les bouts
La scrute sous toutes les coutures

Sitôt défait son paquetage
Et retiré ses quatre épingles
Je ne vois plus qu’ des avantages
À c’ qu’elle fasse la loi dans ma jungle
Et jette un œil dans mon potage

L’air flageolant, le ton branlant
Elle susurre "Prête-moi main forte"
Et la moue cousue de fil blanc
S’écrie "N’y vas pas de main morte"
Puis bondit dans mes bras ballants

Sans même attendre une embellie
Elle me dévoile tous ses profils
Me met devant ses fesses accomplies
Et ses charmes de crocodile
Puis se faufile au fond d’ mon lit

Et me voilà dans de beaux draps
À dorloter tous azimuts
À faire ma pelote et mes choux gras
Bichonnant des reins dont la chute
Rendrait jaloux le Niagara

Mais au matin c’est le traquenard
V’là qu’à moi, le goinfre assoiffé
En fait d’ menu elle me narre
Deux fables et trois contes de fées
Qui clarifient mes idées noires

Et depuis elle tape l’incruste
Mais elle me souffle tous mes couplets
En m’étreignant contre son buste
Elle dicte et je bois du p’tit lait
Elle tient ma plume et je déguste

C’est une nymphe débonnaire
Qui, sur mon île, a fait naufrage
Accostant sans préliminaires
C’est une rescapée de l’orage
C’est une muse du tonnerre

J’ n’ai plus qu’un appétit d’oiseau
Je ne mange plus d’ boudin purée
Je ne mange plus de chorizo
Je ne mange plus d’ saint-honoré
Je ne mange plus que son museau

J’ai arrêté d’ boire du pétrole
De l’antigel et des lotions
Je ne bois plus que ses paroles
Ça fait remonter ma tension
Et baisser mon cholestérol

Hier, j’ n’étais pas dans un bon jour
Je m’apitoyais sur mon sort
La verve molle, le souffle court
Du blanc, j’en buvais à ras bord
Du noir, j’en broyais comme un sourd

Mais aujourd’hui j’ai une muse
Qui m’alimente en vitamines
S’est installée dans ma cambuse
A ravivé mon porte-mine
A ranimé ma cornemuse

Et sans le crier sur les toits
On se la coule, coule douce
Aux anges et à tu et à toi
On se tourne, tourne les pouces
Et sans bouger le petit doigt

Naguère j’avais le bec dans l’eau
Mais désormais sur mon écluse
Gonflant les voiles de mon stylo
Le souffle alizé de ma muse
Me fait chanter des trémolos

Naguère, il fallait que je trime
Pour griffonner mes chansonnettes
Que je m’accroche, que je m’escrime
Que je me casse la nénette
Armé d’un gros dico de rimes

Naguère, il fallait que je rame
Pour bricoler mes ritournelles
Des mélodies de bas de gamme
Que j’ composais traditionnelles
À la guimbarde et au tam-tam

Mais très bientôt j’ vais étonner
Car depuis peu j’ai une muse
Dont la malice gratinée
A deviné toutes les ruses
Pour me tirer les vers du nez

Dorénavant, j’ai mon penchant
Pour une muse du tonnerre
Qui m’a donné la clef des chants
Et qui m’inspire le bon air
Ça va bluffer des tas de gens

Presto, vivace, dare-dare
Avec ma muse je répète
Des nouveaux tubes, des standards
Que j’improvise sur sa trompette
Que j’harmonise sur ses guitares

Et j’ai viré mes dictionnaires
Sitôt que je reste en carafe
Face aux tracas de la grammaire
Quand j’ai un doute en orthographe
Quand je manque de vocabulaire

J’ n’ai qu’à faire sauter une agrafe
Pour consulter ses p’tits roberts